Le 45ᵉ Congrès des audioprothésistes a mis en lumière un enjeu majeur pour la profession : la mise en place d’un Ordre professionnel. Une table ronde, largement suivie, animée par Luis Godinho, vice-président du SDA, a été consacrée à ce sujet, qui fait actuellement l’objet d’une proposition de loi. Objectif : mieux structurer la profession, garantir la qualité des soins et renforcer la protection des patients.
Longtemps écartée, l’idée d’un Ordre professionnel gagne progressivement du terrain. Lionel Collet, président de la Haute Autorité de Santé (HAS), a souligné qu’il aurait été difficile d’envisager une telle évolution il y a quinze ans en raison des réticences du secteur. Toutefois, selon lui, « la profession est désormais mûre ». Il considère cette initiative comme un moyen de poser un cadre clair, d’assurer le respect des bonnes pratiques et de permettre à la profession de s’organiser de manière autonome. Le député François Gernigon, à l’origine de la proposition de loi, a quant à lui insisté sur la nécessité d’encadrer un secteur en plein essor, où la multiplication des enseignes pourrait nuire à la crédibilité des professionnels.
Sur le plan juridique, le professeur Didier Truchet, spécialiste en droit public, a rappelé que la création d’un Ordre offre une double reconnaissance : elle institutionnalise la profession aux yeux des pouvoirs publics et engage ses membres à respecter un cadre déontologique strict. Il a également mis en avant quatre missions fondamentales de l’Ordre : l’élaboration d’un code de déontologie, l’application de sanctions en cas de manquements qui s’ajouteraient aux sanctions pénales et/ou administrative, la tenue d’un tableau de l’Ordre pour garantir la compétence et l’intégrité des praticiens, ainsi que la mission de représentation de la profession auprès des instances publiques. De son côté, Éric Prou, président de l’Ordre des pédicures-podologues, a témoigné des bénéfices d’une telle structure, notamment en termes de reconnaissance et d’échanges avec les autorités sanitaires. Il a toutefois précisé que la mise en place d’un Ordre nécessite un engagement conséquent, notamment pour assurer la constitution des conseils régionaux et interrégionaux, ainsi que pour anticiper les besoins en financements et en matériel.
Certains obstacles restent néanmoins à surmonter. Romain Begué, responsable des ressources humaines du système de santé à la DGOS, a soulevé deux points sensibles : l’adhésion de l’ensemble de la profession, qui reste hétérogène et pourrait susciter des oppositions, ainsi que la question du financement. La cotisation obligatoire, y compris pour les audioprothésistes salariés, représente un défi majeur. Toutefois, il a rappelé qu’un Ordre permettrait d’offrir un meilleur encadrement de la profession et d’assurer une prise en charge optimale des patients.
Lionel Collet a estimé que l’absence d’unanimité ne devait pas constituer un frein à la création de l’Ordre. Il a souligné l’importance d’un consensus sur les règles déontologiques et a encouragé ceux qui expriment des réserves à en préciser les raisons. Il a également rappelé que si la HAS entretient des relations avec les Ordres professionnels, les syndicats n’ont pas, à ce jour, de lien institutionnel avec elle.
Didier Truchet a relativisé l’impact des divergences syndicales, en rappelant que d’autres professions réglementées connaissent une grande diversité de statuts et de modes d’exercice, comme les médecins ou les pharmaciens. Toutefois, il a insisté sur la nécessité d’une mise en œuvre rapide après l’adoption de la loi.
Pour garantir une organisation équilibrée et anticiper les évolutions du secteur, François Gernigon a proposé une structuration reposant sur quatre conseils interrégionaux, complétés par un conseil dédié à l’Île-de-France. Enfin, Lionel Collet a conclu en affirmant que la HAS soutenait pleinement cette réforme et en précisant que sa mise en place pourrait être réalisée dans un délai de deux ans.
Photo: de gauche à droite, Lionel Collet, Luis Godinho, Didier Trichet, François Gernigon, Eric Prou et Romain Begué.
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