L’exposition à des sons trop forts est un risque bien connu pour l’audition. Mais une étude sur des cochons d’Inde suggère que le traitement numérique de la musique peut, lui aussi, affecter l’audition. Ces animaux, dont l’ouïe est comparable à celle des humains, permettent de mesurer les réflexes auditifs et d’analyser la cochlée et les cellules ciliées internes, tout en étant testés à l’état éveillé avec un stress minimal. Concrètement, les chercheurs ont soumis les animaux à un même morceau diffusé pendant quatre heures à 102 dBA, niveau autorisé par la réglementation française, dans deux versions : l’originale et une version fortement compressée. Cette technique, courante dans la musique amplifiée et les visioconférences, réduit les écarts d’intensité en comblant les micro-pauses du signal, le rendant plus uniforme mais moins « respirant ». Les résultats révèlent un contraste net. La version originale n’a entraîné qu’une altération cochléaire passagère, tandis que la version compressée a provoqué un déficit durable du réflexe de l’oreille moyenne, signe d’une atteinte neuronale. Une semaine après, les cochons d’Inde exposés à la musique compressée n’avaient toujours pas récupéré pleinement. En revanche, aucune lésion irréversible des cellules ciliées internes ni des synapses n’a été constatée. Cette étude met en évidence une limite des normes actuelles de protection auditive, basées uniquement sur l’énergie sonore moyenne sans considérer la répartition temporelle du signal. Les sons compressés, dépourvus de pauses naturelles, pourraient ainsi induire des effets spécifiques, différents de ceux des bruits non traités. Dans un contexte où la compression sonore est omniprésente, des concerts aux plateformes de communication, les auteurs appellent à mieux définir les seuils de sécurité. Un enjeu qui dépasse la musique et touche désormais l’ensemble des usages numériques du son.
Source : Dos Santos TS, Bordiga P, Avan P. Auditory changes in awake guinea pigs exposed to overcompressed music.
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